fracas (pat' howe)

J’ai toujours aimé la ville, c’est vrai. Je m’y suis toujours senti chez moi, surtout après être parti pendant plusieurs mois à la fois pour l’armée. Elle avait toujours eu ce côté rassurant pour moi. Mon enfance ici, elle avait été heureuse. Je m’étais fait des amis en or. J’avais pratiqué à peu près tous les sports que j’avais voulu essayer, bien trop gâté par mes parents. Je n’ai honnêtement que d bons souvenirs de cet époque-là. Je me suis engagé dans l’armée lorsque j’ai atteint la majorité. Aujourd’hui, je me dis que je ne sais franchement plus vraiment pourquoi. C’était probablement un peu pour rester avec mes meilleurs amis, mais c’est certain que nous avons aussi tous été aveuglés par les promesses de voyages, de reconnaissance et de fierté que ça nous apporterait. C’était du grand n’importe quoi, si vous voulez mon avis. Du moins, ça l’était lorsque tout dérapait. À quel point le fait que je sois soldat avait apporté de la fierté à ma famille? Je me suis séparé de ma femme parce qu’elle me trouvait trop absent et qu’elle s’était trouvé un bon et gentil dentiste qui travaillait dans une clinique locale de la ville pour s’occuper d’elle. À quel point je me balançais de la reconnaissance de mon pays pour mon service quand j’ai été enfermé et battu dans une petite cellule qui sentait la mort pendant des semaines.

Même si cela fait plus d’un an que je suis de retour en ville, je sens que je ne m’en suis pas encore complètement remis. Parfois, j’en ai vraiment l’impression, je pense que je vais bien, que je vais mieux, parce que je n’y pense plus, enfin, mais il semble toujours y avoir un moment où le tout me revient en pleine gueule. Le soir, quand je me retrouve seul chez moi, dans cette petite maison qui me semble encore inconnue, parce que la mienne, le dentiste de banlieue y vit avec mon ex-femme, je me retrouve avec mes pensées. Bon, avec mon chat, aussi, qui semble avoir un don pour me faire sentir mieux. C’est ce que je me dis, alors qu’il se frotte contre mon visage en ronronnant comme le moteur d’une tondeuse à gazon, en ce moment. Je lui gratte le menton et j’esquisse un petit sourire.

J’ai l’air de me plaindre pas mal là, c’est vrai, mais je n’ai quand même pas la pire des vies qui soient. J’ai commencé à enseigner. Je donne quelques cours pour l’armée, mais aussi pour les futurs policiers et j’adore ça. Je pense même être assez doué, pour ça. Je me dis que j’aurais peut-être pu étudier pour être professeur, au lieu d’aller dans l’armée, mais après, je me dis qu’étant jeune, je n’en aurais probablement pas eu la patience. Le métier ne m’aurait sans doute même pas intéressé, parce que j’avais toujours eu besoin d’action, d’adrénaline, de sensations fortes. Je pense que je sais maintenant apprécier autre chose, plus de choses. Je sens que je commence à l’apprécier, elle.