ambition never comes to an end (esther)

Esther rentrait doucement après une intense journée passée au tribunal. La jeune femme était très redoutée de ses confrères avocats, elle avait la capacité de remporter n’importe quel procès, même concernant les cas les plus désespérés. Elle s’arrêta juste devant la maison qu’elle possède avec son mari. Au lieu de rentrer immédiatement, Esther passa un moment à regarder sa maison et en soupirant. Cette maison, son mari et son fils de quatre ans, représentaient la vie que toutes les femmes rêvaient d’avoir, mais elle, c’était légèrement différent. La jeune allemande d’origine israélienne avait était élevé par des parents assez strictes, même un peu trop quand elle y repense. Elle a trois grands frères, ce qui fait d’elle la petite dernière. Celle qu’on n’aime pas beaucoup, celle qui fait toujours les choses différemment des autres. Ce caractère fort a toujours désespéré son père, encore plus sa mère qui avait espéré avoir un quatrième garçon. Ce fait a compliqué leur relation depuis son adolescence, et encore aujourd’hui, Esther a du mal à communiquer avec sa famille. Comme ses frères, sous l’influence et la pression de ses parents, elle a fait des études à la faculté de droit de la capitale allemande. A contre cœur, elle avait obtenu son diplôme qui faisait d’elle une avocate.

Elle rencontra l’homme qui allait devenir son mari quelques années plus tard, pendant un gala de charité organisé par un homme d’affaire. Ce dernier, après six mois à se fréquenter l’a demandé en mariage. Elle avait dit oui, un peu prise au dépourvu. C’était comme si son âme avait quitté son corps et qu’elle vivait sa vie d’une façon complétement absurde, selon elle. Cette vie était bien trop tranquille, elle s’ennuyait, elle avait besoin de quelque chose pour pimenter sa vie. L’alliance qu’elle portait à la main gauche ne voulait quasiment plus rien dire. Elle n’arrivait même pas à s’occuper son fils comme une mère le devrait. Elle lui montrait le minimum d’affection, juste assez pour qu’il ne finisse pas par oublier qui elle est. Son mari, bien qu’occupé par son boulot, comblait le vide.

Elle finit par sortir de sa voiture et entrer dans la maison. Son mari l’y attendait, « Tu rentres tard aujourd’hui » dit-il les bras croisés. Esther souhaitait accéder à la cuisine, histoire de se servir un verre mais son mari lui barrait la route. Il se doutait de quelque chose. «Laisse-moi passer, c’était une journée compliquée.» lui répondit-elle lui le même ton. Il n’y avait plus d’amour entre eux, et cela se voyait. Elle pourrait divorcer, se débarrasser de lui, partir loin, mais elle ne le fait pas. «Encore ce client russe ?». Elle fit un pas en arrière pour lui répondre, et surtout pour lui lancer ce fameux regard «Oui, et alors ?». Elle avait dit ça sans grande conviction. Il avait deviné, ou du moins, il avait une idée. «Tu devrais laisser tomber. Des fois, c’est plus intelligent de laisser tomber que s’obstiner à s’accrocher». Une nouvelle fois, Esther soupira et finalement réussit à se faire un chemin jusqu’à la cuisine. Elle prit une bouteille qu’elle déboucha furieusement. Si elle n’avait pas un minimum de classe, elle aurait bien volontiers bu à la bouteille, sans même prendre de verre. Mais non, par-dessus tout, il fallait sauver les apparences, comme toujours. «Je crois que tu es mal placé pour me dire quoi faire. Même si je ne suis qu’une femme dans ce monde, je suis encore libre de faire mes propres choix, de défendre qui je veux. Et aussi… de rentrer à l’heure que je veux.». Son mari, emporté par la rage, frappa du point sur le comptoir. Même si elle n’était pas du genre à avoir peur, Esther sursauta. «Bon dieu, Esther, tu as une famille. Ici. A Hillsboro. Un fils qui appelle désespérément sa mère tous les soirs. Il serait peut-être temps que tu te rendes compte de cela.». Ne sachant pas quoi répondre, elle préféra garder le silence, histoire de ne pas dire de bêtises. Le ton assez fort de leur voix respectives avait réussi à réveiller son fils qui était descendu jusqu’en bas des escaliers avec son doudou à la main. «Maman ?» dit-il avec une petite voix. Son mari la regarda, Esther était toujours aussi silencieuse. Son mari se pinça l’arête du nez et s’adressa à son fils, «Maman, va venir te raccompagner dans ta chambre», il fit une pause et se tourna vers elle «Moi j’ai bien besoin d’un verre, n’est-ce-pas Esther?».

Elle n’avait pas le choix, elle alla à l’étage afin de raccompagner son fils. Il s’installa dans son lit et elle mit la couverture sur lui. Esther s’apprêtait à partir quand l’enfant lui demanda de rester avec lui le temps qu’il s’endorme à nouveau. Il semblait triste «Vous allez divorcer?». Si elle s’y attendait à celle-là. Son fils, de seulement quatre ans, avait fini par comprendre. Que pouvait-elle bien répondre pour qu’il cesse de poser des questions? Elle l’ignorait. «Ne t’inquiètes pas pour ça. Tout va finir par s’arranger» Ou pas. Elle n’allait quand même pas lui dire le fond de sa pensée. Surtout, il n’est pas assez grand pour comprendre. Elle appuya sur l’interrupteur pour éteindre la lumière et ferma la porte tout en prenant soin laisser un petit espace.

Les mois passèrent sans pour autant changer quelque chose entre son mari et elle. Rien n’avait bougé. Enfin, peut-être quelque chose tout de même. Elle avait trouvé le moyen de pimenter sa vie. Elle continuait à être avocate, à défendre ce fameux client russe. Elle avait finalement réussit à lier un certain lien avec lui, un lien qui les avait poussé à coucher ensemble, à se voir en cachette. Esther se servait des voyages d’affaire pour le retrouver. Elle ne savait pas vraiment si elle l’aimait, enfin si elle était amoureuse, mais voilà, cette histoire la changeait. Surtout, cela lui permettait se rompre le lien avec l’idéal familial. Elle ne savait pas combien de temps cette histoire allait durer, mais pour l’instant, elle avait envie de profiter. Elle en profitait tellement qu’elle prenait doucement le gout du milieu.

Etonnement, Esther rentra plus tôt que prévu au domicile conjugal. Elle avait la coiffure un peu défaite et un sourire sur ses lèvres. Son mari avait visiblement envie de régler ses comptes. «Tout va s’arranger? Tu lui répète ça à chaque fois qu’il demande à être rassuré sur la situation. Mais qu’est-ce qu’il te prend? Tu ne peux pas lui dire simplement ‘non’? Même si c’est un mensonge. C’est trop te demander?». Esther déposa son sac dans un coin avant de lui répondre en le regardant droit dans les yeux. «Un peu, oui. Tu peux également essayer de le rassurer, si tu en as envie». «Tu rentres tranquillement, en me disant ça avec un sourire sur les lèvres ? Ça ne te ressemble pas, Esther. Je ne te reconnais plus». Sur ces derniers mots, Esther détourna le regard. «Qu’est-ce que tu veux que je te dise? Je vais prendre une douche, si ça ne te dérange pas». Maintenant, les mensonges et les règlements de compte allaient faire partie de son quotidien. Et ce n’était pas plus mal.